Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

hs

qu'il embrassait. Il avait vu dans les salons littéraires de Paris, et il retrouvait au Palais de l'Ombrière, à la tête de la Tournelle, un magistrat autour du nom duquel il se faisait un bruit singulier. Disciple et ami de Voltaire, avocat général, à vingt-cinq ans, au Parlement de Bordeaux, destitué bientôt et exilé pour crime d'indépendance, mais replacé sur son siége par Louis XVI, au rappel des Parlements, nommé Président à mortier malgré l’injuste et mesquine opposition de sa Compagnie, alliant le culte des lettres à la passion de la justice, se dérobant aux agitations parlementaires pour visiter l'Italie; écrivant alors sur ce beau pays ces Lettres, à la fois trop louées et trop décriées, où, à travers une certaine emphase, brillent une imagination d'artiste, un esprit fin, un style pur et châtié, et où nous trouvons, à côté de réflexions judicieuses sur la réforme de l'instruction criminelle, d’élégantes traductions de Tibulle ;, consacrant, enfin, les dernières forces de sa vie et les derniers accents de sa voix à la réparation d’une grande erreur judiciaire et au salut de trois innocents : tel était M. Dupaty, tel était le protecteur que voulut et sut se donner Vergniaud. Mais pourquoi essaierais-je de faire ici le portrait de M. Dupaty? Vous avez, cette année même, entendu raconter sa vie par un magistrat digne de le comprendre et de le louer : vos souvenirs m'ont prévenu, ils m'avertissent de m’arrèter (1).

M. Dupaty venait d’être nommé Président : Vergniaud lui adressa une pièce de vers de félicitation. Le magistrat écrivain qui avait tant à se plaindre des procédés de ses collègues devait se montrer aussi sensible à l'hommage du jeune inconnu qu'au charme de ses vers. Il l’accueillit avec bienveillance, s’intéressa à ce jeune homme laborieux et pauvre, impatient et digne de réussir. L'amour des lettres

(4) Dupaty (1746 à 1788), discours prononcé, le 4 novembre 1874, à la rentrée de la Cour de Bordeaux, par M. Fortier-Maire, avocat général.