Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

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Pendant quelque temps, la surface du royaume parut semblable à celle de la mer agitée par les vents, et quelques vaisseaux imprudents ont péri pendant la tourmente. »

A l’occasion de ces mêmes troubles, deux paysans ont été, par sentence du prévôt de Tulle, condamnés à être pendus, comme violemment SOUPCONNÉS d’avoir VOULU firer des coups de fusil sur les cavaliers de la maréchaussée ! Vergniaud ne peut contenir son indignation, et sa voix semble ici retentir comme un écho, grandi à travers les âges, de celle de la Boëtie : « Condamnés à être pendus, s'écrie-t-il, pour être violemment soupçonnés d’avoir voulu tirer des coups de fusil! Qu'est-ce donc que la vie d’un homme pour le tribunal d'un prévôt? Sur le soupçon d’une volonté coupable, immoler un accusé ! le condamner à un supplice infime! vouer sa mémoire à l'opprobre, et sa famille à d'éternelles larmes ! Est-ce que notre justice ressemble à ces dieux terribles de l'antiquité, qu'il fallait nourrir de victimes humaines? Vous prétendez que ces actes féroces sont nécessaires au maintien de l’ordre social! Ah! dites plutôt qu’il devrait se former une ligue universelle pour la destruction d’une société où il serait permis de se jouer de l'innocence avec un mépris aussi barbare, où l'on immolerait impunément et avec tant de scandale les droits sacrés de l'humanité! »

Durieux fut acquitté : le plaidoyer, imprimé et üré à deux mille exemplaires (1), se vendit au profit des accusés. Le garde national de Brives reçut, à la Société des Amis de la Constitution, une ovation dont son défenseur prit sa bonne part.

C’est peu de temps après que Vergniaud prononce, devant la même Société, l'éloge de Mirabeau, œuvre remarquable

()1I se trouve à la Bibliothèque de la Ville. — Révolutions dans les provinces, — Limoges, — No du volume, 25754. V. aussi Chauvot, p. 101.