Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

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et précieuse à plus d'un titre. En effet, outre que le grand orateur n'a jamais été mieux apprécié par la suite qu'il ne l'était, quinze jours à peine après sa mort par l'avocat Bordelais, c'est surtout dans ce travail que Vergniaud, qui n’a pas laissé de Mémoires, se révèle à nous tout entier, avec son esprit, ses idées, ses doctrines, tant politiques que littéraires; enfin, quel n’est pas pour nous le singulier et piquant attrait d'un ouvrage où nous voyons le géant de la Constituante compris, jugé et dignement loué par celui qui doit être son successeur à la tribune française? (1)

En 1790, Vergniaud avait été nommé membre du Département de la Gironde. Cette élection, en lui conférant le droit de cité dans notre ville, lui permettait de désirer d’autres honneurs dont il était digne. Il dut se préoccuper toutefois de n'être pas exclu par le cens; mais, outre les impositions qu'il payait à Bordeaux, il pouvait, sa mère étant morte depuis le 6 mars 1786, posséder de son chef à Limoges. Pauvre mère! elle était disparue de cette terre avant d'entendre le bruit qu'y devait faire le nom de son fils. Vergniaud l'avait pleurée amèrement : il a mis tout son cœur dans une lettre déchirante que je veux citer, à côté de ses plus beaux discours : « C’est en vain, mon cher frère, que l’on s'attend à des pertes aussi chères ; elles n'en sont pas moins sensibles. Je ne peux m'accoutumer à cette idée que je ne la verrai plus. Je sais combien son existence était douloureuse; mais n'importe, je trouvais du plaisir à la consoler dans ses souffrances. Et mon père? Au nom de Dieu, ayez en soin. Sa position me désole. Je n'ai jamais si bien senti combien il était cruel de n'être pas riche que dans ce moment, où ma fortune ne me permet pas de faire le voyage pour aller l’embrasser et pleurer avec

(4) Bibliothèque nationale, Ln 14240, 27. MM. Chauvot (p.552) et Vatel (t. IF, p. 74) en donnent quelques extrails.