Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

Grangeneuve, brillante jeunesse et avant-garde du parti ; c'est Gensonné,.imperturbable logicien, redoutable par la mordante ironie dont il relève et assaisonne sa dialectique ; c'est Guadet, merveilleux improvisateur, orateur véhément, toujours prêt à l'attaque comme à la défense, Guadet, qui serait le prince de la Gironde, si la Gironde n'avait Vergniaud. Vergniaud était précédé d’une réputation immense : il parut bien au-dessus d'elle. Nommé vice-président de l’Assemblée aux premières élections, il fut porté à la présidence dès qu'il eut parlé. Son premier discours fut pour l'Assemblée la révélation d’une puissance nouvelle. « La foudre de Mirabeau se rallumait dans les serres de l’Aigle de la Gironde. » Disons-le toutefois, au nom même de l’admiration que nous professons pour Vergniaud : salué maître de la tribune dès son apparition, enivré d’applaudissements enthousiastes, s’il sut toujours se montrer inaccessible à la corruption, il se livra tout entier et sans résistance à la passion de la popularité, que trop souvent alors il prit pour la gloire.

Dans la discussion de la loi sur les émigrés, cette loi à laquelle Mirabeau avait juré d’avance de ne pas obéir, ces mêmes émigrés que lui-même déclarait « peu redoutables, aussi ridicules qu'insolents (1), » il engage l'Assemblée dans une voie de rigueur où elle le dépassera.

La Constitution Civile du clergé avait été l'erreur de l'Assemblée Constituante : singulière contradiction, en effet, de « faire un clergé après en avoir détruit un autre ! (2) » Mais cette erreur devint un crime, le jour où, pour frapper les prêtres insermentés, on ne recula pas devant cette persécution des consciences qui provoqua et entretint si longtemps en France la guerre civile. Ces préjugés funestes,

{1) Séance du 95 octobre 1791. (Moniteur des 26 et 27 octobre.) (2) Lettre d'André Chénier sur la Constitution Civile du elergé.

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