Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

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nés d’une philosophie intolérante à ses heures, Vergniaud ne sut pas s’en défendre ; cette politique injuste et cruelle, il la soutint de sa parole.

Il fréquentait peu, même aux premiers jours, le club des Jacobins. Il eut pourtant le malheur d’en être une fois élu Président. C'est à ce titre qu'il dut recevoir, au nom de la Société, les Suisses de Châteauvieux, lorsque, pour célébrer l'amnistie arrachée à la faiblesse de l’Assemblée, les démagogues Parisiens osèrent faire de ces soldats rebelles les héros de ces saturnales que la muse vengeresse d'André Chénier a vouées à une infamie immortelle. Le 20 juin cependant, il n’est pas guéri encore! Des pétitionnaires armés sollicitent l'honneur de défiler devant l’Assemblée : « On a calomnié les habitants du faubourg Saint-Antoine, ils ne veulent que paraître à la barre pour confondre leurs détracteurs, et prouver qu'ils sont toujours les hommes du 14 juillet. » Plusieurs membres s'opposent à leur admission , c’est Vergniaud qui prend la parole en leur faveur. La loi, il est vrai, défend les attroupements en armes ; mais cette loi a été si souvent oubliée et violée ! Et puis, refuser à des citoyens bien intentionnés la faveur qu'ils réclament, ne serait-ce point s’exposer à des dangers plus grands encore que ceux que l’on redoute? La majorité lui donne raison : triste triomphe, qu'il ne va pas tarder à déplorer ! Le cortège, — une foule de trente mille hommes, — traverse la salle : d’atroces emblèmes, des chansons cyuiques déshonorent le sanctuaire des lois ; et le peuple, non content d’avoir avili l’Assemblée, se porte aux Tuileries pour avilir le roi! Vergniaud y court, il va ramener à la raison ces hommes égarés; il n’a qu'à se montrer : n'est-il pas l’orateur populaire et tout-puissant? Mais, à surprise ! on n’applaudit plus, on n’écoute plus, on ne reconnaît plus cette voix aimée, cette même voix qui vient de se rabaïisser à une telle cause, et ne peut rien mainte-