Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

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devant laquelle il ne fallait ni reculer ni trembler ; il y vit un aliment à donner à l'enthousiasme révolutionnaire: il y vit aussi, pourquoi ne le dirions-nous pas? la rupture forcée du roi avec Coblentz, la disgrâce des hommes qui, comme Montmorin, comme Delessart, comme de Molleville, lui faisaient exécuter la constitution de manière à demontrer qu'elle était inexécutable; et si, enfin, il y avait entrevu encore l’arrivée de son parti au pouvoir, qui pourrait lui en faire un crime? Avait-il quelque ambition personnelle? Et pourquoi refuserait-on de croire que là était pour lui le salut de la France ?

Il voulut donc la guerre: mais il la voulut sans tâtonnements, sans indécision, sans faiblesse. Écoutez-le, Tappelant aux représentants de la France « Démosthène tonnant contre Philippe, » s’écrier, en s'inspirant du grand orateur Athénien : « Et moi aussi, s’il était possible que vous vous livrassiez à une dangereuse sécurité, parce qu'on vous annonce que les émigrés s’éloignent de l'électorat de Trèves ; si vous vous laissiez séduire par des nouvelles insidieuses, ou des faits qui ne prouvent rien, ou des promesses insignifiantes, je vous dirais : Vous apprend-on qu'il se rassemble des émigrés à Worms et à Coblentz? vous envoyez une armée sur les bords du Rhin. Vous dit-on qu'ils se rassemblent dans les Pays-Bas? vous envoyez une armée en Flandres. Vous dit-on qu'ils s’enfoncent dans le sein de l'Allemagne? vous posez les armes. — Publie-t-on des lettres, des offices dans lesquels on vous insulte? alors votre indignation s'excite, et vous voulez combattre. Vous adoucit-on par des paroles flatteuses, vous leurre-t-on de fausses espérances? alors vous songez à la paix. Ainsi, Messieurs, ce sont les émigrés et Léopold qui sont vos chefs. Ce sont eux qui disposent de vos armées, ce sont eux qui en règlent tous les mouvements, ce sont eux qui disposent de vos citoyens, de vos trésors; ils sont les arbitres de votre destinée. C'est à vous de voir