Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

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si ce rôle humiliant est digne d'un grand peuple (1). »

Cependant Louis XVI, toujours incertain, toujours hésitant entre les princes, qui le compromettent sans son aveu, les constitutionnels, qui s’obstinent à le sauver malgré lui, et la reine, qui ne croit ni au désintéressement des uns, ni au dévouement des autres, après avoir congédié M. de Narbonne, se voit privé ou abandonné des ministres de son choix : les uns tombent, sous les accusations de Vergniaud et de ses amis, les autres se retirent, accablés du poids de leur impopularité, malheureux de leur impuissance.

C'est à ce moment que les Girondins, qui dominent à l’Assemblée, sont appelés au Conseil du roi.

Les deux membres importants du nouveau ministère sont Roland et Dumouriez : le premier, à qui sa femme et ses amisont fait une réputation, peu préparé aux affaires publiques par l'administration des manufactures et par des travaux scientifiques, austère dans ses principes et dans ses mœurs, plein de roideur et de sécheresse, ne manque, sans doute, ni de patriotisme, ni de probité, mais il a le pédantisme de toutes ses vertus: faible esclave de sa femme, grondé par elle lorsqu'il n'a pas montré assez de fermeté au Conseil, s’il n’ose dire en face au roi des vérités, il s’en venge en lui écrivant des impertinences: et lorsque Louis X VIlerenverra, il adressera à l’Assemblée cette lettre fameuse, cause de sa disgrâce, et s’assurera la faveur populaire en accablant le monarque qu'il a servi (2); le second, homme insaisissable, « ondoyant et divers, » à la fois patriote et intrigant, héros et aventurier, vrai protée politique, qui, sans être d'aucun parti, les flatte et les trompe tous, qui sacrifie ses collègues à son amour du pouvoir, et sacrifie ensuite le pouvoir aux idées de ses

(4) Séance du 18 janvier 1792. (Moniteur du 20 janvier.)

(2) 11 faut rendre à chacun ce qui lui revient : Mme Roland, qui déclare que la lettre fut arrêtée entre elle et son mari, se vante de lui avoir donné le conseil d'en envoyer copie à l’Assemblée. (Mémoires, p. 245 et 247, édition Dauban.