Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

collègues, qui courra, fatigué de la politique, sur les champs de bataille, où il n'aura pas le bonheur de mourir, et qui, se couvrant d'infamie après s'être couvert de gloire, trahira son pays qu'il vient de sauver!

Les Constituants n'avaient pas voulu que les ministres fussent pris dans le sein du Corps Législatif. On semble, tout au contraire, avoir vu là, depuis, une des conditions et des garanties du gouvernement parlementaire.

Pour ma part, Messieurs, je ne puis, je l'avoue, m'empêcher de regretter que Vergniaud n'ait pu être le ministre de Louis XVI. Je ne sais si je me trompe; mais il me semble que si, au lieu d’un régent de collége ou d’un soldat brouillon, le malheureux roi avait rencontré un homme assez intelligent et assez dévoué pour vouloir être son ami plutôt que son censeur, pour lui faire aimer la liberté et la constitution sans avoir l’air de les lui imposer, un ministre à vues larges et profondes dans le Conseil, une parole chaleureuse et puissante à l’Assemblée, bien des malheurs, bien des crimes eussent pu être épargnés à la France!.…. Mais, hélas! pendant que nous nous oublions à corriger l'histoire avec nos rêves, l’inexorable fatalité ne s'arrête pas.

Au lieu des victoires que la Gironde et Dumouriez se promettaient, mais que tous ne désiraient point, c’étaient des revers qui nous attendaient. À Mons, à Tournay, nos troupes fuient sans combattre; et l'opinion publique, déjà si défiante, ne veut attribuer qu'à la trahison ces honteuses déroutes. On faitun crime à Louis X VI du simple exercice de la prérogative royale : s’il ne sanctionne pas le décretcontre les prêtres perturbateurs, c'est qu’il veut la guerre civile! s’il s'oppose au décret sur le camp des vingt mille hommes, c'est qu'il favorise l'invasion ! Il renvoie les ministres patriotes : l’Assemblée déclare qu'ils emportent la confiance de la nation ; l’impopularité s’accumule tous les jours sur la tête du roi; et le peuple enfin lui apprend combien le