Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

TES

Voilà comment Vergniaud a jugé le Roi. Lui-même a été sévèrement jugé par l’histoire. Il est toujours téméraire, Messieurs, de vouloir pénétrer ce qui se passe au fond d'une âme, lorsque, après avoir longtemps hésité peut-être, elle s'arrête à une de ces graves déterminations qui contiennent la vie ou la mort. Pour nous, qui, après quatre-vingts ans de controverses stériles et de dures épreuves, révisons de sang-froid, et sur pièces, ce lamentable procès, la justice et l’impartialité peuvent sembler choses simples et faciles. Mais les pensées des juges, les avons-nous eues? Leurs passions, les avons-nous éprouvées? Avons-nous eu à nous défendre contre la contagion du délire d’un peuple égaré? Avons-nous été placés entre notre pays menacé, envahi, presque conquis, — et ici, hélas! nous n'avons pas besoin d'imaginer, souvenons-nous ! — et un homme accusé de lavoir trahi ?

On à pourtant parlé de je ne sais quel calcul: on a prononcé le mot de lâcheté..…. Mais si Vergniaud eût cherché une occasion éclatante de consolider et de refaire sa popularité compromise, pourquoi l'avoir lui-même et à plaisir ébranlée, en soutenant l'appel au peuple? Ne pouvait-il se taire et voter ? Que dis-je? ne pouvait-il parler contre l'opinion de ses amis, se séparer de la Gironde? Il a été lâche ! Sans doute, il fallait du courage pour émettre un vote de clémence à la Convention ! Mais n'en fallait-il pas davantage pour y prononcer cet admirable discours qui devait être si déplaisant et si odieux à la faction dominante, pour y démasquer ses projets, pour lui faire entendre les prophétiques paroles qu'elle devait si tristement réaliser ? Lâche ! Ah ! pour mieux le laver de ce reproche, voyons, à parür de ce jour funèbre, ce qu'il a été et ce qu'il a fait.

La coalition, étonnée un moment par le génie de Dumouriez et par les succès de nos jeunes armées, s'était reformée, plus que jamais forte, unie et résolue à une lutte à mort :