Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875
2h Si e tagne son hypocrite accusation. C’est avec calme, et comme il eût pu le faire à la barre, qu'il a discuté; mais, arrivé au reproche de modération, c’est-à-dire au seul et véritable crime de la Gironde, il ne peut se contenir, et laisse éclater sa généreuse indignation : « Nous, modérés! Je ne l'étais pas le 10 août, Robespierre, quand tu étais caché dans ta cave! Des modérés! Non, je ne le suis pas dans ce sens que je veuille éteindre l'énergie nationale : je sais que la liberté est toujours active comme la flamme, qu'elle est inconciliable avec ce calme parfait qui ne convient qu'à des esclaves. Si l’on n'eût voulu que nourrir ce feu sacré, qui brûle dans mon cœur aussi ardemment que dans celui des hommes qui parlent sans cesse de l’impétuosité de leur caractère, de si grands dissentiments n’auraient pas éclaté dans cette Assemblée. Je sais aussi que, dans des temps révolutionnaires, il y aurait autant de folie à prétendre calmer à volonté l'effervescence du peuple, qu'à commander aux flots de la mer d’être tranquilles quand ils sont battus par les vents; mais c’est au législateur à prévenir autant qu'il peut les désastres de la tempête par de sages conseils; et si, sous prétexte de révolution, il faut, pour être patriote, se déclarer le protecteur du meurtre et du brigandage, je suis modéré !.. J'ai souvent entendu parler d’insurrections, de mouvements populaires, et, je l'avoue, j'en ai gémi... Les hommes qui conspirent sont les ennemis de la République et de la liberté ; et s’il faut ou les approuver pour être patriote, ou être modéré en les combat tant, je suis modéré! J'ai aussi beaucoup entendu parler de mesures terribles, de mesures révolutionnaires... Je les voulais aussi, ces mesures, mais contre les seuls ennemis de la patrie; je ne voulais pas qu'elles compromissent la sûreté des bons citoyens, parce que quelques scélérats avaient intérêt à les perdre; je voulais des punitions, et non des proscriptions. » Et c’est alors qu'il prononce ces sublimes paroles, où sa grande âme, sa nature aïmante et