Étude sur les idées politiques de Mirabeau

62 F. DECRUE.

Dans ce cas, ils sont appelés, au nom du peuple, à lui donner le régime gouvernemental qui lui convient. À eux appartient le droit exclusif de faire ou de réformer la constitution du pays!. Car ils représentent le peuple, et le peuple seul se constitue à sa guise, sans prendre l’avis du monarque?. Ce droit est éternel et, selon Mirabeau, a êté éternellement exercé chez les Francs et chez les peuples du Nord en général®. Confondant ce qui a été, ce qui est et ce qui doit être, notre auteur expose les principes qui président à toute législation, soit constitution. C’est d’abord la loi de la nature, puis les lumières de la raison et l'intérêt de l'humanité, que sanctionnent enfin le vœu et le consentement général du peuple“. Il soutient que la loi obligatoire n’est et ne peut être jamais que l’expression fidèle du droit naturel revêtu de cette sanctions. C’est beaucoup dire : c’est laisser entendre qu'à une loi injuste on ne doit pas obéissances,

Quand elle agit comme constituante, l’Assemblée nationale décrète souverainement sans attendre la sanction royale’. « Ce velo ne saurait s'exercer quand il s’agit de créer la Constitution ; je ne conçois pas, ajoute Mirabeau, comment on pourrait disputer à un peuple le droit de se donner à lui-même la constitution par laquelle il lui plaît d’être gouverné désormais$. » Cette constitution n’est donc pas une charte accordée par le roi, ou même convenue avec lui; c'est un statut que Le peuple, par l'organe de ses élus, s'impose à lui-même, à son roi. Ce dernier ne peut s’y soustraire, sous peine d’être privé de son rang°. L'Assemblée nationale, ou Corps législatif permanent, a toujours qualité pour cons-

1. Corr. Mirabeau-La Marck, v. Il, p. 440-441.

2. Avis aux Hessois et Réponse aux conseils de la raison, dans les Œuvres de Mirabeau, Paris, 1821, in-8; v. V, p.5 et 22. Lettres de cachet, v. I, p. 202 et 293.

3. Lettres de cachet, v. 1, p. 207. Les auteurs sur lesquels s'appuie Mirabeau sont César et Tacite d'une part, Blackstone et Hume de l’autre.

4. Ibid., v. I, p. 25 et 45.

5. Ibid., v. I, p. 82.

6. C’est la raison pour laquelle Mirabéau déclare qu'il refusera obéissance à une loi contre les émigrés. « Je jure de n’y obéir jamais, » dit-il en pleine assemblée.

7. Moniteur. Discours du 14 septembre 1789. Archives parlementaires, p. 636 et 637. Courrier de Provence, n° 41.

8. Moniteur. Discours du {* septembre 1789. Archives parlementaires, p. 538. Courrier de Provence, n° 34, p. 8.

9. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 371. Note du 15 octobre 1789.