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Sankai Juku Paris-Nancy-Paris: le groupe Butoh de Sankai Juku présente au Carré Vaugirard de Sylvia Monfort, à partir de ce jeudi 29. le nouveau spectacle qui complétait le programme japonas du Festival (le Monde du 27 mai): Graine de cumqual, adaptation libre du titre original qui signifie, parait-il, le petit garçon au crâne rasé. Les cinq danseurs du groupe ont rasé leurs crânes, leur peau poudrée de blane évoque les douceurs froides de l’opaline, leurs ongles sont peints en rose. Ils racontent les rêves du petit garçon, sa plongée au coeur d’un monde pré-humain. En ce tempslà vivaient des poissons qui étaient à la fois mâles et femelles, ils se sont séparés en deux, se sont cherchés, se sont joints, ont enfanté. Les cinq hommes, presque nus, se déhanchent, leurs pagnes de tissu rugueux glissent et les dévoi tissu rugueux glissent et les dévoilent. Leurs faces sont cachées par des formes ravagées en papier. On dirait que leurs têtes ont été arrachés. On dirait des fleurs carnivores qui se seraient elles-

-mêmes dévorées. Ils vibrent d'une énergie intense qui retient les élans de leurs muscles, leurs mouvements sont doux et lents. Ils on à présent des visages de poupée, ils jouent les mouvements précieux des artifices de séduction, ils jouent les jeux de l’accouplement, du repos et de la guerre. Un nain-oiseau, sans bras ni ailes, creusé par un sourire sans joie, bascule dans de la poussière jaune. L’enfant, pendu par les pieds à une banderole rouge, tourne très blanc dans une lumière de haut fond... Deux heures d’un récit sans paroles qui mèle la grâce noble de danses rituelles, le maniérisme canaille du music-hall, la violence d’un érotisme qui va audelà de la sexualité, les grondements des percussions, les fioritures de musiques occidentales frelatées, et le silence. Le poids, le cri du silence jailli des bouches ouvertes, triangles noirs trouant les peaux blanches. Deux heures à en perdre le souffle, voyage extraordinaire. Sankai Juku bouleverse notre perception, la hiérarchie de nos valeurs, comme son maitre Kazu Oono, première révélation du Festival de Nancy, homme intemporel qui réunit dans son corps de soixante-quinze ans l’enfance et la sagesse, et qui dansera à Paris, au parvis de la Défense, les 5 et 6 juin, Hommage à la Argentina, et, le 7 juin, la Table. □ Colette Godard, Le Monde, 30 maj 1981.