Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

16 CATHERINE Il ET LA RÉVOLUTION

gaspille son temps à la toilette et dans les plaisirs, et ne sait rien de ce qui se passe dans son Empire ; une cour livrée aux jalousies, aux intrigues, à une galanterie effrénée et aux malversations ; comme mari, un grand due jouant du fouet avec ses chiens jusque dans son alcôve, s'enivrant tous les soirs, s’arrètant avec les demoiselles d'honneur qui se moquent de lui, incapable d’une bonne action, — presque d'un acte raisonnable, et aussi laid au physique qu'au moral.

Ce spectacle n’était-il pas fait pour dépraver l'âme d'une jeune princesse qui avait moins de quinze ans quand “elle arriva à la cour d’Elisabeth ? Est-ce à cette école du vice qu'elle prit le goût dela luxure et dela dissipation? Son tempérament l'y porta naturellement, mais les exemples qui s’offrirent à sa vue n’y contribuèrent pas mal.

Cependant, sur cette philosophe de quinze ans, comme l’appelait le comte de Gyllemboursg, les lectures, mème les plus désordonnées, ne pouvaient-elles pas avoir quelque effet salutaire ? C'est ce qui arriva.

On sait que, tandis qu'elle était grande-duchesse, les souffrances morales et même physiques ne lui furent pas épargnées. Elle rongeait son frein avec impatience. Elle eut ses moments de révolte et ses moments de découragement. Un jour il lui est défendu de davantage pleurer son père qu’elle vient de perdre. Un autre jour, impuissante à maitriser son courroux, elle demande à l'impératrice Elisabeth la grâce de retourner en Allemagne, de revenir auprès d’une mère qui n’a pour elle aucune affection, et pour laquelle elle n’en a pas davan-