Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

LA FRANCE DE L'ENCYCLOPÉDIE 47

tage ; la jeune princesse eut été bien fâchée d’être prise au mot : son rêve de gloire se fut évanoui du coup. Cette faveur lui fut refusée.

Certains jours elle se jette, pour s’étourdir, dans les plaisirs et la dissipation. La plupart du temps,elle s’enferme dans ses appartements pour échapper à un mari ivre et à l’espionnage des personnes placées autour d'elle. Il n’est pas jusqu'à cet isolement qui n’ait considérablement influé sur le développement de sa nature. Elle fut ainsi tour à tour entrainée par les vices qu'elle avait sous les yeux, et enflammée par les belles phrases dont elle se nourrissait. Elle se ressentit du contraste de cette double éducation. De même que les désordres de la cour de Russie excitèrent son tempérament sensuel, de même ses auteurs favoris influèrent sur le libéralisme de ses idées. Il en fut toujours ainsi pour elle. Le corps obéira aux mauvais penchants; l'esprit restera sain. Ceci ne tuera pas cela. Les plaisirs ne parviendront jamais à absorber les bons éléments qu’il y a en elle,

C’est à cette école que se formera son caractère, que se fortifiera sa mâle énergie. Est-il surprenant qu’elle prenne une sainte horreur de tout ce qui est servitude, torture, tyrannie, persécution, gène quelconque ? Aussi n’est-elle encore que grande-duchesse quand elle écrit que l’eselavage est « contraire à la loi chrétienne. » Elle l’a lu quelque part ; ce qu’elle voit en Russie ne va pas contre ce dire, et elle l’a retenu. A ses années de grandeduchesse se rapporte aussi cet enthousiaste éloge de la liberté : « Liberté, âme de toutes choses, sans vous tout est mort. Je veux qu’on obéisse aux lois, mais point d'escla-