Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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vage. Je veux un but général de rendre heureux, et point de caprice, ni de bizarrerie, ni de tyrannie qui y déroge. » Et de fait quand elle peut se mettre en travers de quelque persécution projetée par le grand-due, elle plaide avec chaleur la cause de l'humanité et de la justice. Elle parvient rarement à sauver les innocents, mais l’intention n’est pas douteuse.

Assurément, il entre chez elle un calcul en même temps qu’un bon sentiment. Confinée dans ses appartements elle a souvent pensé au rôle qu’elle peut jouer en Russie ; elle veut devenir la souveraine du pays dans lequel l'ont jetée les hasards du mariage. Elle poursuit résolument son but. Elle tiendra son rôle avec une habileté et une ténacité rares.

Elle veut être prévenante avec tout le monde à la cour d’Elisabeth, et elle affecte d’être russe autant que le grand-duc affecte d’imiter Frédéric Il, qu'il ne comprend même pas, et qu’il appelle «le roi, mon maitre ! » (1) «L’ambition seule me soutenait, » dit-elle dans ses Mémoires ; et elle ose écrire à l’ami Williams, ancien ministre d'Angleterre en Russie : « Je me suis résolue à régner ou à périr. » La petite Figchen avait dans un coin de la tête «un je ne sais quoi, » qui lui disait qu’elle deviendrait de son chef, impératrice de Russie.

Pour se préparer à ce couronnement, elle cherchait à se faire aimer du peuple qu’elle était appelée à gouverner. Elle ne négligeait personne, se faisant une règle de eroire qu'elle avait besoin de tout le monde, des petits

(1) Mémoires de la comtesse Daschkof. Archives Woronzof, tome XXI, p. 34,