Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

LA FRANCE DE L'ENCYCLOPÉDIE 19

comme des grands. Par beaucoup d’affabilité et de prévenances elle sut ainsi capter la bienveillance de la nation russe, tandis que le grand-duc la mécontentait par ses ridicules et sés sympathies allemandes. On sait combien ce jeu servit admirablement ses desseins. Elle apprit la langue russe avec amour, se convertit à l’orthodoxie avec un zèle rapide ; et à l’église, au contraire du grand-duc qui se moquait ostensiblement du culte, elle apportait un visage calme et une attention soutenue, se donnant mème des airs de dévotion qui n’étaient guère au fond de son âme (1). Elle faisait oublier son origine étrangère, se prètait de son mieux aux mœurs russes, et se préparait au rôle d’impératrice qu'elle avait appris à travers Montesquieu et Voltaire, s’apprètant à prendre dans la mesure du possible le contre-pied du spectacle que lui offrait la Russie d'Elisabeth. Mais se rendant compte, dès le début, de quelle utilité pouvait lui être la civilisation occidentale, elle était également allée à elle, se disposant à entirer profit pour le pays auquel l’avait attachée sa destinée. C’est dans cette civilisation occidentale qu'elle puisera les éléments du libéralisme qu’elle inaugurera en Russie.

(1) La comtesse Daschkof nous dit dans ses Mémoires que le grand-duc devenu le Tsar Pierre IL apportait aux cérémonies religieuses auxquelles il était obligé d'assister la tenue la plus inconvenante, Il y faisait des grimaces et des bouffonnéries, et contrefaisait les vieilles dames auxquelles il avait ordonné de faire la révérence à la française au lieu de l’inclination de tête à la russe, Il lui arrivait même de montrer sa langue aux ecclésiastiques. (Archives Woronzof, tome XXI, pages 30 et 41).