Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...
— ON —
sance avec qui je puisse m’entretenir. Il n’y a que du peuple, auquel on ne peut faire nulle exception, car les plus ignorants des hommes, qui y joignent la fourberie et l’imposture, savoir les ministres christicoles, avec des oremus et des signes de croix, les touchent devant eux comme de vrais oisons. Que voulez-vous que je fasse avec une pareille turpitude ?.... Me voilà donc là claquemuré pour quelques mois avec ma servante machine, dont je n’entends pas un mot, et qui n’en sait aucun de français ; aussi je suis des semaines sans proférer aucune parole. .….. Toute sa science se réduit à faire cuire des pommes de terre, aliment dont je ne fais point usage ; moi, je fais une soupe avec le grossier animal, nommé bœuf, la moins nutritive et la plus insipide de toutes les viandes. ... »
Ce qu’il disait ici du bouilli, il le croyait sincèrement, car voici ce qu'il écrivait, vers la même époque, à un architecte de Paris, M. Patte, qui avait publié un livre sur les moyens de jouir d’une santé parfaite dans l’âge le plus avancé. Cette lettre est un véritable manifeste du végétarianisme. Nous n’en extrayons que l’alinéa suivant dont les ethnographes feront leur profit :
« De plus, le régime animal corrompt le moral et rend l’homme féroce. En Allemagne, où on ne fait jamais un repas sans végétaux et où ils en mangent beaucoup au commencement de leurs repas, les hommes sont posés et tranquilles, s’écoutant attentivement et se répondant paisiblement. En France, au contraire, où la viande fait la principale nourriture, c’est la turbulence et les convulsions sociales, où l’on parle tous à la fois. » !
Mais le pauvre Butré n’était pas au bout de ses peines ; une nouvelle calamité vint le frapper, dont il rend compte à Me de Balthasar dans une lettre du 2 février 1802:
« Les plus grands malheurs ne cessent de m’assaillir. Jai
1 Lettre du 16 janvier 1808.