Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...
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les dissidences sur le terrain religieux, on peut bien se figurer que les opinions peu flatteuses de Butré sur les « turpitudes » des « christicoles », sur les oremus des prêtres, colportées par cette « servante-machine » qui n’en était peut-être que plus méchante, pour être si bête, ont excité les haines populaires, et que quelque occasion spéciale, à nous inconnue, se présentant, des gueux avinés ont fait irruption dans la demeure du vieux gentilhomme, croyant faire œuvre pie en le rouant de coups. Qu’une agression pareille n'ait point trouvé de juge de paix assez courageux pour sévir contre les malfaiteurs, c’est ce qui s'explique par l'extrême désir de ménager le clergé et son influence, qui animait le gouvernement de Bonaparte au lendemain du Concordat.
L'attaque brutale dont Butré fut la victime, lui valut au moins une lettre de condoléances de Mr° de Balthasar ; elle lui faisait entendre, sous la forme la plus affable, quelques bonnes vérités sur son imprudence de langage aux milices de « la sottise, de l'ignorance et du fanatisme » qui l’entourent.
Strasbourg, 12 février 1803.
« .... Je compatis bien sincèrement à votre malheureux accident et à l'abandon où vous vous trouvez... On dirait qu’il est de la destinée de certains êtres que tout ce qu'ils chérissent porte pour eux le germe de quelques calamités. Je crains bien, mon cher monsieur, que votre franchise ne vous ait fait des ennemis. Rappelez-vous quelquefois le dire de Fontenelle: que s’il avait la main toute remplie de vérités, il se garderait bien de l'ouvrir pour les laisser échapper. Il faut des cœurs et des têtes préparés pour l’entendre, sans quoi elle devient plus nuisible qu’utile. Quand la sottise, l'ignorance et le fanatisme composent le terrain dans lequel on sême, les meilleurs grains dégénèrent en ivraie. Votre défaut de fortune vous isole de la classe de citoyens dont vous rapprochent vos lumières et vous met souvent à la merci des malotrus... .. Je