Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

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CONSTITUANTE (23 JUIN 1791) 285

faut pourtant pas semer la défiance sur ces gens-là. Le

peuple se sauvera malgré ses amis et ses ennemis. (Papiers R. Lindet.)

CLXXII. — Au même. Paris, le 23 juin 1791.

Quel spectacle se prépare demain pour Paris! Il est probable que le retour du roi ne sera pas différé au delà. On parviendra, je crois, à inspirer au peuple de garder un profond silence. Un officier municipal d’un village près Sainte-Menehould a accordé au roi, à la reine et à la famille royale, c’est-à-dire à M.le Dauphin, à Madame et à Madame Élisabeth, sur leurs sollicitations, sa sauvegarde. Il les accompagne et leur garantit sur sa tête qu'il ne leur arrivera pas d'accident sur la route ni pendant leur entrée à Paris. Le roi, qui n’est pas encore au fait de la Constitution, s’imagine qu’un officier municipal commande à toute la France, comme jadis le maître de Versailles, à l'exception qu'il le croit obligé de se transporter avec son écharpe.

Monsieur et Madame sont arrivés à Mons : la municipalité de Valenciennes a été avertie trop tard. Le patriotisme est exalté dans cette ville, et maintenant on ne peut plus douter de l’intrépidité avec laquelle nos frontières seront défendues, mais personne n’osera les attaquer. Je vous ai dit souvent qu'il existait bien des gens malintentionnés, mais que telle est leur stupidité, qu'ils sont incapables de former un projet exécutable, et telle est leur lâcheté qu’ils sont incapables del'exécuter. Bouillé, le plus grand général, envoie pour escorter le roi fugitif des gens qui, sitôt qu'ils sont instruits que c’est le roi qu’ils conduisent, le remettent au peuple et demandent à être admis à le garder. Deux fusils suffisent pour arrêter tout le convoi ; si tous les braves chevaliers du poignard s'étaient réunis sur cette route, comme on avait lieu de croire qu'ils le