Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

CONSTITUANTE (14 JUILLET 1791) 297

ouvrages, un char de plus de 20 pieds de haut sur lequel était un lit de parade, Voltaire couché et couronné par la Renommée, le char traîné par douze superbes chevaux attelés quatre à quatre. Le convoi partant de la Bastille a fait le plus beau tour de Paris par les boulevards, la place Louis XV, le pont Royal, le quai Voltaire. La maison de Charles Villette était un reposoir en grande guirlande de verdure, et une couronne est descendue sur le char. Vis-à-vis était un amphithéâtre occupé par les vestales de Paris. Je ne sais pas à quelle heure la marche se terminera. La multitude des spectateurs est innombrable partout. (Papiers R. Lindet.

CLXXVIII. — Au même. Paris, le 14 juillet 1791.

Mon frère, hier, le rapport etl'avissaugrenu des Comités sur l’affaire du roi (1}. Discussion reprise aujourd’hui. Le peuple s’échauffe, les attroupements environnent l’'Assemblée nationale. Le peuple veut que le roi soit jugé : la grande majorité de l'Assemblée prétend que le roi n'est pas jugeable. On argumente de l’inviolabilité, on argumente de ce qu'il n'y a pas de loi qui prononce la déchéance. On propose néanmoins de tenir le roi en état d’arrestation et le pouvoir exécutif suspendu, jusqu’à l’époque à laquelle la Constitution complète sera présentée à son acceptation et à son refus. On dira alors que, s’il refuse, il abdique. S’il accepte, il se moquera de ses serments et sera inviolable.

Nous sommes dans une position fâcheuse. La très petite minorité pense que le contrat social est rompu par le parjure; la petite minorité ne peut gagner l’organisation

(x) Rapport de Muguet de Nanthou au nom des Comités diplomatique, militaire, de constitution, de revision, de jurisprudence criminelle, de rapports et des recherches. Moniteur, réimpression, IX, 113, 119, 123; 133, 143.