Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

298 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

provisoire d’un conseil exécutif; tout ce qui a l’air d’approcher de cette idée met en rage ceux qui veulent une idole.

On veut un roi: il faut prendre un imbécile, un automate, un fourbe, un parjure, que le peuple méprisera, qu'on insultera, qui conspirera, et contre lequel il est à craindre qu'on nese porte à des violences, au nom duquel on entreprendra chaque jour de nouvelles tentatives, sous le nom duquel des fripons régneront; ou bien il faut subir une minorité de 12 ans, — querelles pour la régence, — avoir un roi détrôné, trois contendants à la régence, aucun n'ayant ni la capacité ni l'opinion publique, — ou bien il faut laisser le roi en curatelle perpétuelle, lui donner un conseil électif. Ce mot fait peur. Je ne sais pas comment se tirera l'Assemblée d’un aussi mauvais pas, qui compromet le sort de la France pour longtemps. Les trois entrées du roi dans Paris sont des leçons perdues ; il ne les comprend pas. Il croit que ce sont des triomphes ; il se plaint de ce que l’on a empêché l'affection du peuple d'éclater et de lui donner des témoignages d’allégresse.

Qu’espère-t-on d'un chef aussi avili? Il est difficile de se promettre la paix et le calme d'ici à longtemps.

La fédération n’a pas mis beaucoup de calme dans les esprits. Thouret n’a pas parlé sur cette matière. Je doute qu'il s’en avise. Les Duport, les Lameth se font de mauvaises affaires avec le public. Les 2o7rs sont dans un silence qu'ils n’interrompent que par des monosyllabes. J'avais cru que le temps où les conspirateurs auraient pu . essayer la tentative du 21 juin devait être celui d'une nouvelle Assemblée dont les membres n'auraient pas été connus les uns des autres, dont les délibérations auraient dû par cela même être fort lentes, ce qui aurait pu leur faire perdre la confiance publique. Je me suis trompé; il fallait profiter de l'existence d’une Assemblée épuisée, énervée, divisée. (Papiers KR. Lindet.)