Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

CONSTITUANTE (14 SEPTEMBRE 1791) 317

passeports, liberté à tous les émigrants. Les Bouillé, les Lambesc peuvent revenir. Nous ne craignons plus l’ennemi, et cependant nous allons prendre Avignon, en attendant que le roi arrive.

On a trouvé bonne la tournure de cette lettre. Il faut bien que le premier fonctionnaire public se réconcilie avec le peuple et reprenne un air de dignité. L’on croit que M. Thouret est le faiseur. MM. Thouret, Le Chapelier, Beaumetz, n'ayant pu obtenir l’ouverture du ministère, entreront dit-on, au Conseil : ils auront de grandes dispositions à détruire ce qu’ils ont aidé à construire.

On a travaillé les Parisiens en tous sens; on avait envie de former une insurrection avant l'acceptation du roi. On n’y a pas réussi. Le prix du pain était l’occasion. On débitait qu’on vendait de mauvaises farines, dans lesquelles il y avait de la chaux et du plâtre. Il se trou-

. vait de fort honnêtes gens qui se sentaient les entrailles dévorées. On avait menacé le maire. Je crois que, par une suite naturelle des événements, les vrais aristocrates auront de la peine à demeurer à Paris concurremment avec nous; conséquemment, on sera plus tranquille.

Je reçois une belle lettre pastorale de M. de Narbonne. Le saint homme m'invite à me jeter à l’eau pour apaiser la tempête; il espère que sa voix opérera sur ses chers enfants ce qu'opéra sur Pierre le regard de Jésus. Il veut qu'ils aillent devant les directoires révoquer leur soumission à une loi injuste, avouer l'ignorance, la simplicité, la faiblesse qui leur firent prêter un serment inique. Il les appelle à la mort, il remue leurs entrailles par le souvenir de son ancienne amitié, de sa douceur, de sa confraternité. I1 invoque la sainte Vierge et saint Taurin (1), et me déclare suspens de toutes les fonctions épiscopales avec trois autres évêques qui ont participé tant soit peu à la dépouille. Déjà MM. du département ont communiqué

(1) Saint Taurin, patron du diocèse d'Évreux.