Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

30 CGORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

de la lecon de modération reçue après l'incident de la flotte d'Estaing. Rochambeau dut lui en donner une autre dans un cas où il avait prétendu s'interposer entre Washington et le général français : « Si je vous ai offensé, lui écrit-il le 18 août 1780 ([, 364), je vous demande pardon pour deux raisons : la première, que je vous aime; la seconde, que mon intention est de faire tout ce qui pourra vous plaire.» Reconnaître ainsi ses torts est l’un des grands charmes d’une nature qui exerça tant de séduction. Mais elle ne peut s'arracher à elle-même ; ainsi, après quelque temps d’immobilité forcée, par suite d’une blessure, il songe à quitter l'Amérique, où ses affaires n’avancent pas, et il propose à Vergennes d'aller combattre les Anglais aux Indes orientales et en Chine (I, 109).

Les grands faits de la révolution américaine qui trouvèrent l'esprit de La Fayette accessible à l’expérience sont ceux qui devaient confirmer dans ses dispositions naturelles ce favori de l'aristocratie nouvelle arrivée aux affaires en France à la fin du dix-huitième siècle. Les Déclarations des Droits des divers États, et en particulier celle de la Virginie, qui précéda d’un mois la Déclaration d'indépendance, étaient bien de nature à enflammer l'imagination de La Fayette par leur caractère de manifeste et les formules générales qu'elles donnaient aux principes proclamés. Un Français pouvait dire alors de ces idées qu’il y retrouvait son bien; car si elles visent des intérêts civils et des besoins immédiats auxquels l'esprit américain se montrait sensible avant tout, la forme en est certainement inspirée par la philosophie française du dix-huitième siècle. On a cherché à établir des différences essentielles entre ces premiers modèles et la Déclaration française des Droits