Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

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convenant de quelques abus, de les dissimuler presque tous. Les étrangers y sont trompés tous les jours. Faites de ma part cette proposition à Dupont.

Je voudrais aussi qu'on fit un ouvrage de ce genre sur l'Angleterre. Il serait curieux de faire un relevé de toutes les lois absurdes ou atroces des trois royaumes! qui ne sont pas abrogées et dont quelquesunes sont en vigueur, de toutes les inconséquences et corruptions de leur ordre constitutionnel, et de ce qu’en ont dit en différents temps les Anglais euxmêmes, à commencer par M. Pitt, qui a déclaré autrefois qu'il ne pouvait y avoir de liberté sans réforme parlementaire, de toutes les dilapidations et privilèges que leur régime entraine, ce qui montrerait à ceux qui n'ont fait que parcourir M. Delolme?, que tout cela n’est pas si admirable qu'il le dit. II serait de l'intérêt du gouvernement d'encourager ce livre, que Thomas Payne pourrait faire sur de bons mémoires. Il en faudrait un autre sur les États d'Italie; on trouverait en Allemagne des patriotes pour éclairer le publie sur les États germaniques, et ainsi successivement on ferait paraître un cours de droit

1. D'Angleterre, Écosse et Irlande.

2, Delolme, publiciste génevois (1740-1806), fut célèbre avant la Révolution, pour un livre écrit en français sur La Constitution de l'Angleterre (Amsterdam, 1771, in-8°). La Fayette l'avait beaucoup pratiqué. (Cf. Mém., IV, 96.)

3. Publiciste anglais né en 1737, mort à New-York en 1809, écrivit pour la cause de l'indépendance américaine un pamphlet célèbre, The Common Sense (Philadelphie, 1776). Revenu en Angleterre, il y publia, contre Burke, une apologie de la Révolution française, Rights of man, 1790. I1 fut proclamé citoyen français en 1792 et élu membre de la Convention par le département du Pas-de-Calais, quoiqu'il ne sût pas le français. — Il vota pour l'exil dans le procès de Louis XVI. Proscrit avec les girondins en 1793, il fut dix mois en prison et y écrivit L'Age de raison (Paris, 1794). Il était fort lié avec La Fayette, qui, de 1790 à 1792, lui suggéra des articles qu'il faisait ensuite traduire en français. (Cf. Mém., t. I, p. 440; t. IUT, p. 177; t. IV, pp. 32 et 163.)