Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

CORRESPONDANCE INÉDITE 363

sion de ne sortir de France qu’au mois de février fixe à Vianen Anastasie, que je ne veux absolument pas voir courir la moindre chance d’accoucher loin de vous; je préférerais de beaucoup n’y être pas moimême, mais vous arrangerez peut-être que je puisse, en allant au-devant de vous, être assuré de passer chez nos alliés deux ou trois mois de tranquillité, dussé-je ensuite revenir à Hambourg.

S'il y a une coalition générale contre la France et que le Danemark en soit, nous ne pouvons pas rester dans le Holstein. S'il y a quelque probabilité que je serai dénoncé et tourmenté en Hollande, je ne puis guère y former un établissement.

Si votre bien suffit à peine au payement de nos créanciers!, il faut bien aller chercher notre subsislance en Amérique, et pendant que vous conservez la propriété française”, puisque votre présence y est nécessaire, il faut bien que j'aille nous procurer un asile ailleurs, car nous n’aurions pas assez d'argent pour tenir la famille six mois à une auberge américaine. Mais, dès que ce toit serait trouvé, il faudrait vous débarrasser à jamais de la nécessité de soigner des possessions en France. Je sais bien que la nouvelle alliance des États-Unis avec l'Angleterre est un cruel obstacle à ce projet”, mais la réconciliation doit encore être espérée.

Voilà, mon cher cœur, les tristes réflexions que je fais. Je ne puis pas solliciter, comme Dumouriez, des commandements contre la France, ni m’embarquer avec Pichegru sur le vaisseau de Sir Sidney Smith;

1. Cf. sur ces créanciers la lettre LVI.

2. La propriété de Lagrange, en Seine-et-Marne.

3. Le 7 juillet 1798, les États-Unis avaient annulé tous les traités antérieurs avec la France, et nommé Washington général des troupes destinées à repousser une invasion de la France.