Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

366 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

même commence à se rétablir de ses fatigues, augmentées par le chagrin; j'ai été émerveillé de la bonne santé de ma femme, et fort aise de trouver Virginie plus grande‘. Vous ne reconnaîtrez pas Charles, qui parle, mais à cela près vous le retrouverez tel qu’il était, c’est-à-dire fait exprès pour le bonheur du jeune ménage. Je suis toujours bien content de Georges ; Victor est avec nous, et la réunion en famille me plaît d'autant mieux dans ce pays-ci que je suis plus à ma place et plus à mon aise de ce côté-ci de la barrière que dans un pays de l’ancien régime, et que les patriotes bataves me témoignent beaucoup de bienveillance; j'ai trouvé la même disposition dans les concitoyens que j'ai été à portée de rencontrer; cela ne m'empêche pas de tenir au plan que je me suis fait de vivre ici très retiré.

Ma femme et deux de mes enfants sont obligés d'aller pour leurs passeports à la Haye et Amsterdam; je n’ai pas voulu les y accompagner, et Utrecht est la plus grande des villes où je montrerai ma figure; encore n’y ai-je été que deux fois depuis mon arrivée, l’une pour diner chez mon vieux et respectable ami Van Ryssel*, général en chef des patriotes de 87, l’autre pour chercher avec lui un logement moins incommode que celui que nous occupons. Je crois qu'Anastasie va louer une petite maison, pour quatre mois, à deux lieues d’Utrecht, dans un charmant village; elle aura de quoi nous loger pendant notre séjour auprès d'elle et une chambre d'ami. Jy vivrai bien reclus, sans donner à la malveillance le

- 4. Mw de La Fayette, partie pour Paris en juillet 1798, n'était rentrée à Vianen qu’à la fin de février 1799. Elle repartira pour Paris le 8 mai 1799 et y restera jusqu'après le 18 brumaire.

2, Le 20 février 1799. (Cf. Mém., V, p. 6.)