Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

374 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

SIEYÈS. — Si c’est une simple déclaration, vous l'avez faite. Mais apparemment, puisque vous me parlez, vous voulez que je vous réponde, et je vous dis que je pense que le parti est dangereux. Je ne crois pas à l’envahissement de la Hollande, mais je le suppose avec vous. La Fayette est encore loin du lieu des troubles. Comment est-il en Hollande ? Je ne sais pas tout cela.

M°° pe La Fayerre. — Il y est avec une permission tacite du gouvernement français, mais il n’y doit rien craindre, et je suis sans inquiétude tant que les patriotes de 87 y gouverneront.

SIEYÈS. — Eh bien, s’il y avait une invasion en Hollande, La Fayette pourrait aller dans les États du roi de Prusse : il est décidément neutre à présent"; je n’y compte pas plus que je ne dois, mais je ne perce pas dans le futur.

M°% DE La Fayerre. — Et moi, Monsieur, je perce dans le passé. M. La Fayette n’a aucune confiance dans les rois. L'empereur lui a fait signifier à Olmütz que ses principes étaient incompatibles avec la sûreté de son gouvernement.

SIEYÈS. — Je conviens qu'il serait terrible pour La Fayette de tomber entre les mains des puissances, que la mer est impossible dans ce moment à traverser pour lui. Mais, je le répète, il pourrait aller chez le roi de Prusse, à Nimègue, dans le duché de Clèves. Qu'il y fasse ce qu’il fait à présent, qu'il attende. Vous voyez que, MM. de Lameth, d’Aiguillon, ayant traversé quelques lieues de la France, nous avons sur ce sujet un message.

1. Frédéric-Guillaume IT était mort en 1797, et son successeur, Frédéric-Guillaume II, avait refusé de suivre l'Autriche dans la seconde coalition, la neutralité lui donnant le protectorat de l'Allemagne,