Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

36 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

et de droit depuis la rupture avec l'Angleterre. La première difliculté se présenta pour eux avec l'obligation de substituer un pouvoir unique, organe de la fédération, au pouvoir royal de la métroniles et une seconde difficulté résulta, pour ce pouvoir fédéral, des précautions à prendre contre la démocratie, réclamée par les plus remuantes de ces petites républiques, celles du Nord. En somme, la bourgeoisie américaine, dans les positions élevées qu’elle occupait partout, avait l'influence prépondérante. Audessous, le nombre ne pesait pas encore assez pour emporter la balance. « Les maximes sociales étaient démocratiques, les situations individuelles l’étaient peu'. »

En France, l’'appréhension de la démocratie était moindre, parce que la chose semblait encore très lointaine. Aucun des philosophes n’y avait arrêté sa pensée que comme sur un souvenir de l’antiquité classique impossible à renouveler, où comme sur un régime propre à quelques États minuscules. Aussi la surprise fut-elle grande lorsque l'héritier de ces philosophes, l'éditeur et le commentateur de Voltaire, Condorcet, se prononcça, le 8 juillet 1791, pour la république. Sous cette garantie, elle devenait possible, et aux élections de 1792 (26 août-2 septembre) on vit se préciser, non directement, mais par voie d’opposition, l'espèce de république attendue : ni despotique, ni aristocratique, ni fédérative, éliminant de l’exécutif tout pouvoir héréditaire, attribuant au peuple toute la souveraineté. L'assemblée électorale des Bouches-du-Rhône, présidée par Barbaroux, rejetait ainsi les types de république qui ne convenaient pas

1. Gurzor, 1bid., 1x.