Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE 53

ter, ajoute-t-il; quelques fautes, de loin en loin, rendraient confiance. » Mais La Fayette, récapitulant son existence, se complait dans l'ensemble qu'elle présente. Il avoue bien quelques fautes, sans les énumérer: mais comme il ne voit pas clair hors de sa ligne, il s'y tient quand même. Il se connaît comme homme de sentiment, et montre quelque dédain pour les hommes d'action : « Les hommes à sentiment ne sont pas toujours si bêtes que le pensent les spéculateurs de fortune. » (IV, 360.) IL n’a pas cette souplesse qui rend disponible aux circonstances le vrai politique. « J'étais insensible à ce genre d’ambition; je ne suis ni homme d'État ni orateur, c’est-à-dire propre à toutes les combinaisons et à toutes les causes. » (IV, 361.) Il a le mérite de se bien peindre dans ce passage : « Rien n’a été si public que ma vie, ma conduite, mes opinions, mes discours, mes écrits. Cet ensemble, soit dit entre nous, en vaut bien un autre. Tenons-nous-y sans caresser l'opinion quelconque du moment. Ceux qui veulent me perfectionner dans un sens ou dans un autre ne peuvent s’en tirer qu'avec! des erreurs, des inconséquences et des repentirs. J'ai fait beaucoup de fautes, sans doute, parce que j'ai beaucoup agi, et c’est pour cela que je ne veux pas y ajouter ce qui me paraît fautif. Mais en même temps, il est impossible que cent années de vie, au milieu du léger et insouciant publie, pussent diminuer la trace douloureuse et profonde des malheurs publics et personnels qui ont déchiré mon cœur. Il m'est impossible de fléchir jamais sur des principes et des intérêts que tous les partis semblent négliger. Je suis donc un composé fort impropre aux circonstances. » (IV, 385.)

1. C'est-à-dire : en m'attribuant...