Cour d'appel de Lyon. Procès-verbal de l'audience solennelle de rentrée le 4 Novembre 1873. Camille Jordan

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prêtres soumis à un nouveau serment de haine contre la royauté et l'anarchie (1).

Les Directeurs avaient compris, en effet, qu'ils étaient perdus s'ils n'avaient recours à la violence. Méprisés par le pays, tombés en minorité dans les conseils, il ne leur restait plus que la ressource d'un coup d'Etat. Ils en chargèrent le jacobin Augereau.

Toutle monde voyait le danger, personne ne pouvait y remédier. La France était trop lasse, trop démoralisée pour venir au secours même de ceux qu'elle avait élus. Elle attendait en silence avec une sinistre résignation.

Cependant, le 18 fructidor, Camille Jordan eut le courage de monter à la tribune pour dénoncer l'arrivée de nouvelles troupes à Paris. Îl apostropha le Directoire, qu'il accusa de comploter contre la liberté publique. Le lendemain $4 députés, ceux qui s'étaient le plus distingués par leur résistance aux traditions révolutionnaires, étaient condamnés à la déportation,et des fourgons grillés emportaient ces illustres victimes à travers la France silencieuse, pour aller chercher une mort lente et cruelle sur les plages empestées de Sinnamary.

Le nom de Camille Jordan figurait sur la liste des proscrits : c'est un honneur qui lui était dû. Il n'en conçut aucun effroi. Sa seule préoccupation était de protester contre la violation brutale de la représentation du pays. De Gérando, son ami d'enfance, a raconté que, s'étant rendu chez lui dans la nuit du 18 au 19 fruc-

(1) Loi du $ septembre 1797,