Danton émigré : recherches sur la diplomatie de la République an 1er-1793
298 DANTON ÉMIGRÉ.
que nos concitoyens labourent leurs champs fertiles, pendant qu'ils remplissent les ateliers de l'industrie. Nous détruirons l'erreur, pendant que nos frères d'armes livrent bataille aux errants. Tous les peuples demanderont à se réunir départementalement à la France. Le peuple romain s'étudiait à perpétuer l'esclavage de l'univers, le peuple français va s'occuper des moyens de perpétuer la liberté universelle,
Nous allons sonder le terrain, toiser les fondements, mesurer les premières assises de notre Constitution politique. Nous calculerons sa solidité et ses dimensions, avant de recevoir les nombreux hôtes qui se présentent de toutes parts; je me trompe fort, ou il y aura de la place pour tout le monde. Il ne s'agira pas toujours de conquérir la liberté, mais il sera toujours question de la conserver. La conquête est aisée, la conservation est difficile.
Au lieu de quatre années révolutionnaires, nos convulsions politiques n'auraient pas duré quatre mois, si une bonne constitution se fut élevée sur les ruines de la Bastille. Les architectes auxquels nous succédons se plaignaient du mauvais goût d'un souverain novice dont les préjugés gothiques ne leur permirent pas de s'écarter de la route battue. C’est à nous de profiter des erreurs précédentes et de n'oublier jamais que nous sommes des architectes subordonnés aux volontés d’un souverain hors de tuluelle, d’un souverain émancipé par l’âge et l’expérience, d'un souverain élevé à l’école de l'adversité. Certes, tout ce que nous ferons de beau et de bon sera goûté et sanctionné par une nation qui sait enfin discerner le bien et le mal.
Nous poserons la première pierre de notre pyramide constitutionnelle sur la roche inébranlable de la souveraineté du genre humain. La Convention n'oubliera pas que nous sommes les mandataires du genre humain : notre mission n’est pas circonscrite dans les départements de la France; nos pouvoirs sont contresignés par la nature entière.
C'est en- consultant la nature que je découvre un système politique dont la simplicité sera parfaitement saisie par quiconque désire toute l'indépendance, tout le bonheur dont l'homme est susceptible.
Nous ne sommes pas libres, si des barrières étrangères nous arrêtent à dix ou vingt lieues de notre manoir, si notre sûrelé est compromise par des invasions, si notre repos est lroublé, notre revenu grevé par des forces militaires, si notre commerce est interrompu par des hostilités, si notre industrie est renfermée dans le cercle étroit de tel ou tel pays. Nous ne sommes pas libres, si un seul obstacle moral arrête notre marche physique