Danton émigré : recherches sur la diplomatie de la République an 1er-1793

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sonne, jouissant d'une liste civile supérieure à la totalité des revenus de plusieurs grands Etats de l'Europe, quel trône lui offrait un plus haut degré de puissance et de gloire ? quel monarque n’eût envié son sort ?

« Tel fut l'excès de la munificence nationale; voici quelle en fut la récompense.

« Le roi accepta la Constitution, mais il ne s’y attacha que pour la renverser ; la cour se fit un système raisonné d’inaction et résolut, en perpétuant le désordre, de fatiguer les Français de la liberté et de les ramener, par les malheurs de l'anarchie, sous le joug du despotisme. Des divisions furent habilement fomentées entre les corps administratifs; leur insubordination fut tolérée. On ferma les yeux sur la mollesse des tribunaux ; les sourdes menées du fanatisme ne furent point réprimées, ses attentats mêmes demeurèrent impunis; on souffrit que des prédicateurs de rebellion soulevassent la conscience des peuples contre les lois constilutionnelles et les appelassent à la révolte au nom d’un Dieu de paix. On fit plus ; le gardien-né de la Constitution s’environna de ces mêmes prêtres que la Constitution réprouvait, et, montrant un protecteur aux séditieux, encouragea leurs manœuvres et enleva ainsi, autant qu'il était en son pouvoir, la confiance publique aux ministres du culte seul reconnu par l'État. En vain le Corps législatif voulut-il, par une salutaire sévérité, arrêter la marche de cette dangereuse faction, le roi détournait les coups et opposait sa prérogative à la volonté nationale et à l'intérêt de l'empire.

« Une armée d’émigrés, commandée par les frères du roi, agissant, disaient-ils, au nom et pour la cause du roi, menaçait nos frontières d’une invasion et remplissait loutes les cours de ses intrigues et de ses cris et tous les départements de ses émissaires et de ses conjurations. Les ci-devant seigneurs soulevaient les campagnes par leurs agents, désorganisaient l’armée par les désertions combinées d’une partie des officiers et les perfides suggestions des autres, épuisaient le royaume d'argent par l'extraction du numéraire, fatiguaient le commerce par les accaparements, discréditaient les assignats par toutes les ressources de l'agiotage et n'omettaient rien pour embraser leur patrie de tous les feux de la guerre civile et d’une guerre étrangère, et détruire dans cet incendie la Constitution et la liberté. En vain la France entière, par l'organe du Corps législatif, s'élevait-elle contre ces ennemis du genre humain, le roi s'interposait entre eux et la France, les couvrait de son velo, comme d'un bouclier impénénétrable, et, tandis qu'il les gourmandait par des proclamations et feignait de les poursuivre par des négociations publiques, il