Danton émigré : recherches sur la diplomatie de la République an 1er-1793
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 253
l'univers entier sait avec quelle perfidie ce même gouvernement ne feignit de restituer au peuple une partie de ses droits que pour achever de l’asservir et de le dépouiller.
« On vit les vrais représentants de la nation, chassés du lieu de leurs séances, errant sans asile, contraints de se réfugier dans un jeu de paume; le premier sujet de l'Etat dicter impérieusement ses volontés au Corps législatif, une armée aux portes de la capitale, Paris menacé d’un assaut et l'Assemblée nationale d’une dissolution violente. Toute l’Europe applaudit à l’élan généreux de courage par lequel le peuple renversa en trois jours le colosse de la tyrannie, à la sagesse avec laquelle il maintint la subordination au milieu de la désorganisation subite de tous les pouvoirs et l'ordre au sein de l'anarchie. On loua sa confiance dans ses représentants, sa modération envers un homme dont il sépara la cause de celle de ses agents, dont il n’imputa les fautes qu'à la séduction et à l'erreur.
« Cependant, le même homme, toujours protestant de son amour pour le peuple et toujours livré à une faction ennemie, multipliait les serments de fidélité à la Constitution, et les actes d'hostilité contre elle, sanctionnait les décrets du Corps législatif et les projets sans cesse renaissants des conspirateurs, jusqu'à ce qu'après deux ans d’hypocrisie constitutionnelle il leva enfin le masque et s'enfuit de la capitale, laissant après lui un manifeste contre l’Assemblée nationale, et, comme la cour l’espérait, la torche qui devait allumer la guerre civile.
« Un cri s’éleva de toutes les parties de l'empire et la voix du peuple entier demanda la déchéance d’un roi que sa faiblesse ou sa perfidie avait également rendu incapable de régner.
« Mais PAssemblée constituante, qui, par des vues de sagesse, s'était crue obligée, dès le commencement de ses séances, de décréler la conservation de la monarchie héréditaire dans la maison régnante, et qui avait construit sur cette base l'édifice de la Constitution, désirant mettre fin aux secousses qui agitaient depuis si longtemps le corps politique et faire jouir la France d'un repos nécessaire, persuadée d'ailleurs qu'un grand acte de clémence attacherait pour jamais à la nation un monarque qui lui devrait deux fois la couronne, jeta sur sa conduite un voile religieux et le maintint sur un trône duquel la confiance des Français dans les généreux citoyens qui avaient brisé le joug du despotisme pouvait seule l'empêcher de descendre.
« Roi constitutionnel d'un peuple libre, partie intégrante du pouvoir législalif, che suprême de l’armée, arbitre de la guerre et de la paix, dépositaire de la majesté de la nation dont il était le représentant perpétuel et héréditaire, inviolable dans sa per-
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