Deuxième livre bleu serbe : 1916
ANNEXE N° 15
Déposition faite au ministère des Affaires étrangères par J. K..., sujet neutre, le 18 février 1916.
L'archeyèque Vincent a élé transporté par les Bulgares de Skolié à Prizrend sur un char à bœufs. Le long de la route, Bulgares et Albanais l'ont injurié, conspué et tiré par la barbe.
A la gare de Nich, j'ai vu emmener un colonel serbe, vieillard de 80 ans, ayant la moitié du corps paralysée. Le colonel, en retraite depuis douze ans, possédait un certificat médical lui défendant absolument de voyager. Sa fille suppliait à genoux qu'on la laïssât partir avec lui, parce que, privé de ses soins, il mourrait certainement. On l’a éloignée d’un geste brutal et on ne lui a même pas permis de donner un peu de provisions de route à son père, jeté sur le plancher d’un wagon à bestiaux.
* ANNEXE N° 16
Déposition faite au ministère des Affaires étrangères par le Dr N..., sujet neutre, le 10 février 1916.
.… Les familles de ceux qu'on déportait de Belgrade se réunissaient sur le quai de la Save pour voir une dernière fois ceux qu'on emmenait. Les soldats autrichiens donnaient souvent des coups de baïonnette et de crosse aux femmes et aux enfants pour les séparer de leurs maris et de leurs pères. J'ai yu moi-même une femme tomber blessée d’un coup de baïonnette ; je l'ai moi-même examinée ct pansée.
… À Toptchider, trois bâtiments de l'établissement pénitentiaire ont été affectés aux internés. On y a apposé des inscriptions : « Internierungsgebäude Nos 1, 2, 3. » Il s’y trouve 2.400 à 2.500 Serbes environ, professeurs, instituteurs, prêtres et négociants pour la plupart. On les y tenait enfermés, par les plus grands froids, dans des chambres non chauffées (je me trouvais à Belgrade au mois de janvier), et on ne leur donnait ni à boire ni à manger. Le chef de ce service était un lieutenant-colonel de réserve, Pick, ancien avocat, homme sans pitié. Le directeur principal du service des déportés était le commandant allemand Franz, une brute qui avait pleins pouvoirs pour envoyer les internés dans tel ou tel endroit de l’Autriche ou de la Hongrie à son choix. Tous les déportés font leur testament ayant de partir.