Discours de M. le général Cubières, pair de France, ancien ministre de la guerre, membre du Comité d'infanterie : recueillis et précédés d'une notice historique par un officier de l'ancienne armée

qe nous proposer de courir le risque de bouleverser notre élal colonial, d’anéantir la production et de ruiner notre commerce maritime ?

Je l’avouerai humblement devant la chambre, et je ne voudrais pas que ce füt à ma honte, je ne comprends guère etjene partage pas du tout la philanthropie qui va si loin chercher matière à s’émouvoir, à s’attendrir, à s’exalter, tandis que chez nous, tandis qu'ici même, la misère et la souffrance nous coudoient à chaque pas! Mais, messieurs, jusque dans cette capitale, jusqu’à la porte de ce palais, le paupérisme nous envahit, il se recrute sans cesse, son effectif va toujours croissant par l'effet des nombreuses concurrences de toutes les industries à machines; les légions déplorables du paupérisme assiégent notre société, elles n’auront bientôt plus pour vivre que les miettes que#leur jette la bienfaisance; le travail et le salaire leur manqueront bientôt, et cependant, messieurs, et cependant on ne craint pas de vous dire qu’il y a quelque chose de plus pressé, de plus opportun que de s'occuper des Français qui souffrent, et que c’est aux nègres qu’il faut songer pour améliorer leur sort.

Messieurs, quand tant de misères s'accumulent auprès de nous, n'est-il pas superflu de faire appel à votre sensibilité, à votre sollicitude , par delà le tropique, tandis que, sans sortir de la France, votre sollicitude, votre humanité trouveraient à s'exercer sur un si grand nombre de compatriotes plongés dans la détresse?

On parle de mettre à la charge de la nation l'émancipation. Déjà les Français fournissent, contribuent de leurs deniers et très-largement au rachat des erreurs et des malheurs de la politique par de nombreux subsides distribués aux réfugiés de toutes les nations. Voudrait-on de plus leur imposer le rachat des fautes qui ont perpétué jusqu’à ce jour l'esclavage, cette condition dégradante, hors nature, qu’il s’agit de faire disparaître du monde civilisé ?