Garat 1762-1823

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À

Garat partit alors pour Rouen avec son compatriote et ami Rode, chef des seconds violons au théâtre Feydeau. Bien lui en prit, car il n'aurait pas trouvé une seconde fois pareille échappatoire. Il ne jouissait pas des immunités de son étrange confrère Ange Pitou qu'il avait été bien souvent entendre persifler à haute voix «les coquins, les septembriseurs, les filous, les badauds, les espions et toute la bande de Cartouche », selon les propres expressions de ce barde populaire. Cet extraordinaire royaliste, petit bonhomme à la figure joviale etcommune, malgré les hardiesses de ses refrains

évita l'échafaud, quoiqu'il eût cependant été

n’est pas un métier ça, moi aussi je chante. faux par exemple. — Oui, dit Garat; mais moi je chante juste, ce qui fait une différence entre nous... » Bref Garat chante. les soldats restent ébahis n'ayant jamais assisté à pareille fête. À la fin le caporal n’y tient plus et, se précipitant vers son prisonnier : « Mais. mais. vous êtes un grand artiste? — Parbleu, répond Garat, avec un sang-froid imperturbable, on me la toujours dit. »

Nous n'avons pas besoin d'appuyer sur l’'invraisemblance de l’anecdote ainsi racontée que le récit du séjour de Garat à Rouen, objet des chapitres suivants, mettra en évidence. Le chroniqueur du journal l’Union, qui écrit son article quelques jours après la réprésentation de la pièce de Sardou, M. Garat, donnée au théâtre Déjazet, à Paris, le 30 avril 1860, dénature les faits d’une façon trop flagrante.

Du Bled, Les Comédiens francais pendant la Révolution et l'Empire 1189-1815 (Revue des Deux Mondes, 1° avril 1894).