Garat 1762-1823

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fit pas dire deux fois et, sans plus attendre, se mit à chanter ses plus belles romances, multipliant les traits et les roulades, filant les sons; bref, il fit tant et si bien que ceux qui l'avaient arrêté, n'ayant jamais assisté à pareille fête, restèrent ébahis, puis non seulement le laissèrent partir, mais dans leur enthousiasme le reconduisirent

chez lui en triomphe.

1. La Gazelle &e Normandie du 1% janvier 1883 raconte cet incident de la vie de Garat — Garat à Rouen — d’une toute autre facon. Selon ce journal, ce serait après sa détention à Rouen, dont nous parlerons plus loin, que cette arrestation aurait eu lieu. Voici d’ailleurs le récit de la Gazette de Normandie : Garat…. au sortir du-tribunal errait dans les rues de la vieille cité normande; la nuit venait de tomber; il avait faim, il avait froid et pas un sou vaillant dans ses poches. Pendant que, faute de mieux, il s’amusait à regarder les dentelures de pierre de la cathédrale éclairée par un rayon de lune, il entend une voix avinée lui crier : « Qui va là? — Je ne vais pulle part, répond Garat, puisque je ne bouge pas. » C'était une patrouille de soldats citoyens qui faisait sa ronde; le caporal s'approche, de fort mauvaise humeur d’avoir été gouaillé par un petit impertinent. « Vos papiers ? — Où voulez-vous que j'en prenne? — Votre carte de sureté? — Je n’ai point de carte. — Alors que faites-vous là? — J'apprends l’architecture. Mauvais plaisant! » dit le caporal. Il prend Garat par le collet et il ajoute : « Mon jeune ami, vous allez nous suivre au corps de garde où il n’y a ni rosaces, ni flèches, ni architraves, ni portiques, ni quoi que ce soit de pareil, mais où vous aurez la bonté de nous expliquer ce que vous êtes et ce que vous faites. — Soit, dit Garat, je cherchais un gîte pour la nuit; vous êtes bien aimable de me donner le vivre et le couvert. » Une fois arrivé au poste, le caporal continue son interrogadoire : « Quelle profession exercez-vous? — Je chante. — Ce