Garat 1762-1823

178 GARAT.

Fut toujours heureux dans la vie Pourvu que sa belle il chantât : Las chanter, aimer son amie, Sont-ce là des crimes d'Etat!

Quand il vit contre sa pairie

S'armer de méchants étrangers,

Le Troubadour quitta sa mie,

Pour chanter chansons aux guerriers; Mais vieux Troubadour par envie

Du juge a surpris l'équité

Et la liberté fut ravie

A qui chantait la liberté.

Loin de parents, loin de sa mie,

Le Troubadour toujours gémit, D'avoir chanté toute sa vie

Ne donne point force d'esprit. Cesse de lui porter envie, Troubadour n’a plus son talent. Mais du moins rends-lui son amie, S'il n’est chanteur qu’il soit amant.

Plus ne revoir tant douce amie Plus d'elle n’entendre parler,

Si du moins de sa voix chérie, Un mot venait le consoler ;

Mais hélas! dans ce lieu d’alarmes Message d'amour n’est admis. Faut-il priver de douces larmes Qui toujours aima son pays !?

1. La Complainte du Troubadour ainsi que la réponse de La mie du Troubadour se trouvent insérées dans les Veillées d’une femme sensible, par madame Charlotte de la Tour, 2 vol. in-18, Lepetit, édit., Paris, 1797.