Gentilshommes démocrates : le vicomte de Noailles, les deux La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, le comte de Castellane, le comte de Virieu

LE VICOMTE DE NOAILLES 3

descend d'un amiral de France et de trois maréchaux. Son père est le maréchal de Mouchy, cher à Louis XV, royaliste intrépide qui, au 20 juin 1792, fera à Louis XVI, contre la populace, un rempart de son corps. Et c'est lui aussi qui, au sortir de la Conciergerie, deux ans plus tard, dira cette parole gardée par l’histoire : « A 16 ans, j'ai monté à la tranchée pour mon roi; à près de 80 je monte à l'échafaud pour mon Dieu ; mes amis, je ne suis pas à plaindre (1). »

Tradition, naissance, entourage, exemple destinent le vicomte de Noaïilles à devenir un monarchiste courtisan, défenseur quand même de la prérogative la plus étendue. — Au château d’Arpajon, près Paris, dans lequel s’est écoulée son enfance, il a dû entendre monsieur le maréchal maudire les Anglais, qui ont arraché à la France Inde et Canada, le grand Frédéric, qui a écrasé l'armée à Rosbach; il ne l’a certes pas ou gouailler les favorites qui ont hâté la décomposition morale de la cour et les ministres. indolents qui y ont présidé. Les seigneursles plus rigides à cette date ont la pudeur des vices royaux ; seuls les chansonniers les racontent, eux n’en parlent jamais.

Mais en 1770, Choiseul tombe du pouvoir. — Choiseul! qui a chassé les jésuites, qui a réuni la Corse à la France, qui a refait l’armée, la marine! Choiseul, le grand seigneur libéral, l'ami des philosophes, l'idole des Parisiens, est exilé par ordre de la Dubarry, une fille ! Les grands murmurent ; l'aristocratie se scinde; Ghoiseul à ses partisans, le roi a les siens. L'abbé

(1) Mémoires sur les prisons, t. II, p. 244.