Gentilshommes démocrates : le vicomte de Noailles, les deux La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, le comte de Castellane, le comte de Virieu

LE VICOMTE DE NOAILLES 43

Yeut-on la preuve que le vicomte de Noailles n’arrivait aux États généraux ni en conspirateur ni en révolté? Son premier acte public est un acte timoré. Soldat, il a l'habitude des assauts, il n’a pas celle des sacrifices politiques. Le 6 mai, lendemain même de l'ouverture dés États, la noblesse est réunie dans «sa chambre » (1). Vérifiera-t-elle seule les pouvoirs des membres de l’ordre, les vérifiera-t-elle en commun? Sur 288 gentilshommes, 47 font acte de démocratie, et Noaïlles n'est pas du nombre! Le 17 juin, le roi fait savoir à la noblesse que « plus de déférence de sa part aurait peut-être amené la conciliation (2).» De nouvelles discussions ont lieu; Noailles reste inébranlable dans cette distinction entre les ordres, qui est la base de l'antique constitution monarchique. Le 27 juin, les 47 dissidents se décident à faire bande à part.

Il ne nous est plus permis, disent-ils, de suivre les règles qui dirigent les hommes privés ; le choix de nos concitoyens a fait de nous des hommes publics ; nous appartenons à la France entière (3).

Ils se présentent à la barre du tiers état, et celui-ci les acclame. Noailles dédaigne leur popularité! Pour le décider à changer d'avis, il faudra une instruction formelle du prince, apportée par le duc de Luxembourg :

(4) Chaque ordre, au début des États généraux, eut une chambre de délibération à part. Il y avait la chambre du clergé, la chambre de la noblesse et la chambre du tiers état.

(2) Voir le Moniteur universel des 6 mai, 17 juin 1789.

(3) Déclaration de la minorité de la noblesse à la chambre de l’ordre. (Voir le Moniteur du 27 juin 1789.)