Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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LES IDÉES DE GOUVERNEUR MORRIS SUR LA FRANCE 45

les messieurs rament pour promener les dames, ce qui n’est en aucune façon un exercice rafraichissant. Puis on se promène encore, ce qui fait que je suis extrêmement échaufté jusqu'à la chaleur de la fièvre. Revenu au château, je m'assoupis € attendant le diner qui ne vient pas avant cinq heures. Nombre de personnes entourent les fenêtres et sans aucun doute se font une haute idée de la compagnie qu'elles sont obligées de regarder à distance respectueuse. Ah ! sielles savaient combien iriviale est la conversation, combien plus triviales encore sont les personnes, leur respect serait vite changé en un sentiment extrêmement différent !. »

Quant à la facilité des mœurs voici une anecdote topique, que Morris recueille le 4 mai 1789 ; en attendant le cortège royal on parle du bal de l'Opéra: « M. de la Ville Blanche me conte une histoire bien caractéristique de leurs mœurs nationales. Sa femme, une amie de celle-ci et lui y furent ensemble. Au bout de quelque temps, ils se séparèrent, et, se rencontrant de nouveau, causèrent longuement, la dame ne sachant en aucune facon quelle était la personne qu'il avait accostée alors que c'était sa femme qui était avec Jui. Lorsque le bal fat fini et qu'ils furent tous trois rentrés à la maison, ils raillèrent l’amie, sur ce qu’elle s’était si bien laissée prendre. Elle ne put donner d'autre raison de sa méprise, si ce n'est que Madame était dans la compagnie de Monsieur et que, par suite, elle ne pouvait supposer que c'était sa femme ?. » : j

C'était surtout la société des femmes qui charmait Morris ct nous voyons passer dans le Journal tout un essaim de grandes dames et de grandes bourgeoises. Des principales est Mme de Flahaut, sa « belle amie » qui se détache au premier plan. Nous l’avons déjà vue en pleine lumière. En admirant son esprit, en exaltant et utilisant ses talents, le jugement de Morris ne s’égarait point. Elle devait un jour illustrer les lettres françaises sous le nom de Mme de Souza, le nom de son second mari. Alors elle était la femme du comte de Flahaut, maréchal de camp, qui touchait à la

1. T. I, p. 98, 99. — 2: €. I, p. 72.