Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

3 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

entre des sociétés religieuses ou des sociétés philosophiques habitant le même pays, sous peine de se heurter aux deux écueils suivants : ou l’on arrive au régime d’une religion d’État, qui n’est satisfaite que lorsqu'elle a opprimé ou détruit toutes les autres, comme on l’a vu pour le catholicisme sous Louis XIV et pendant la Révolution française pour la constitution civile du clergé ; ou l’on déchaîne une guerre de religion, qui trouble la société et peut même la bouleverser, comme au temps de la république d'Angleterre. C’est à ce point de vue de l’ordre public que se plaçait Montesquieu, en énonçant ces maximés : « Comme il n’y a guère que les religions into« Jérantes qui aient grand zèle pour s'établir ailleurs, ce sera « une très bonne loi civile, lorsque l'État est satisfait de la « religion établie, de ne pas souffrir l'établissement d’une « autre. — Lorsque les lois d’un État ont cru devoir souf« frir plusieurs religions, il faut qu'elles les obligent aussi « à se tolérer entre elles !. »

La tolérance est une vertu qui n'est pas moins nécessaire dans les relations entre particuliers. Et par là je n’entends pas celte indifférence ou cette insouciance en matière religieuse, qui résulte du déclin ou même de l'absence de toute croyance. La tolérance des sceptiques ne mérite pas le nom de vertu, car elle ne leur coûte aucun effort. Mais c’est aux croyants, aux pratiquants zélés et aux fanatiques d’une idée qu'il faut prêcher la tolérance, car dans l’ardeur de leur foi, ils se laissent trop souvent entraîner à employer tous les moyens, même la contrainte, pour la faire partager à autrui, et c'est ce qu'on appelle l'intolérance ou la persécution. Ils n'oublient qu'une chose, c'est que les croyances sincères sont le fruit de la liberté et que vouloir les imposer par force, c’est attenter à la dignité de la conscience ; c’est outrager la majesté de l’image divine qui.est en nous. La tolérance est donc la marque du respect que se doivent les âmes libres et convaincues.

Ainsi la tolérance est une vertu, tandis que la liberté est un

TE Esprit des lois, livre XXN, chap. 1x et x.