Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870
DE L'ÉDIT DE TOLÉRANCE JUSQU A LA CHUTE DE NAPOLÉON IOI
raient leurs fonctions une pension de 800 à 1 200 livres, suivant l'âge.
C'était revenir aux pires errements des Assemblées du clergé catholique, distribuant des pensions aux ministres protestants qui abjureraient. Or, dans cette capitulation générale des consciences, un grand nombre de ministres du culte eurent le courage de respecter la leur, et de réclamer la liberté pour tous. En effet, les temples protestants, rouverts depuis cinq ans à peine, furent fermés de nouveau, malgré l'article 22 de la Constitution de l'an Il, et l’on enjoignit aux pasteurs de se retirer à vingt lieues des communes, où ils avaient exercé leur ministère, sous peine d’être tenus pour suspects!. Et ces ordonnances ne restèrent pas à l’état de menaces. Le protestantisme compta, sous la Terreur, autant de victimes proportionnellement à sa population que les catholiques. Deux des plus illustres de ces victimes protestantes furent dans le Gard, Rabaut Saint-Étienne, que l'éclat des services rendus à l’Assemblée nationale ne sauva pas de la guillotine, et le père de François Guizot, qui en garda toujours rancune à la Révolution.
Mais l’homme qui, sous la Terreur, défendit avec la plus de courage et de largeur les droits de la conscience fut Pévéque Grégoire. Il avait été curé d'Emberménil, près Metz, et s'était fait connaître par un Æssai sur la régénération physique, morale et politique des juifs (Metz, 1789). Député du clergé lorrain aux États Généraux, il s'y était distingué par son patriotisme et son esprit libéral. Ayant adhéré à la Constitution civile du clergé, il fut élu évêque de Blois et réussit, par son esprit conciliant, à maintenir la paix dans son diocèse. Tout en étant attaché à la doctrine catholique, il admettait la tolérance la plus étendue : « Assurément, dit-il, « je crois le juif, le protestant, le théophilanthrope dans la « route de l'erreur, mais comme membre de la société civile,
1. Arrèlé du 16 prairial an Il, du délégué de la Convention dans le Gard et la Lozère. L