Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

102 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

« ils ont autant de droits que moi à bâtir un temple et à le « fréquenter publiquement ». Aussi avait-il voté les lois qui avaient émancipé les non-catholiques. On le trouva toujours sur la brèche, quand il s’agit de défendre la cause de la justice et de la liberté; citons de lui un trait mémorable. Sommé d’abdiquer le sacerdoce à la séance du 7 novembre 1793, Grégoire refusa : « On me parle de sacrifice à la patrie, dit-il, jy suis habitué. S'agit-il du revenu attaché à la fonction d’évêque ? je vous l’abandonne sans regret. S'agit-il de religion ? cet article est hors de votre domaine et vous n’avez pas le droit de l’attaquer. J’invoque la liberté des cultes.»

Cette protestation éloquente parut d'abord se perdre dans le tumulte des passions anticléricales ; mais elle ne laissa pas de faire impression sur les chefs du parti montagnard, qui avaient conservé, sinon le sens de la justice, du moins le sens politique. Danton et Robespierre comprirent bientôt qu'une telle parade d’irréligion déshonorait la République aux yeux de l’Europe. Danton, qui doutait de l'existence de Dieu, fit, dans la séance du 26 novembre, la déclaration suivante : « Sinous n'avons pas honoré le prêtre de l'erreur et du fana« tisme, nous ne voulons pas plus honorer le prêtre de l’incré« dulité ; nous voulons servir le peuple ; je demande qu'il n’y « ait plus de mascarades antireligieuses dans le sein de la Con« vention. Le peuple aura des fêtes dans lesquelles il offrira « de l’encens à l'Étre suprême, au Maître de la nation, car « nous n'avons pas voulu anéantir la superstition pour établir « le règne de l’athéisme. »

Robespierre, un fervent disciple de J.-J. Rousseau, fut plus ferme encore ; comme pour son modèle, les athées étaient à ses yeux les ennemis de l’État et de l’ordre social. Au club des Jacobins, il dénonça ces « enragés » qui voulaient « em« pêcher les prêtres de dire la messe et qui étaient plus fana« tiques qu'eux ». La haine de l’athéisme fut une des raisons qui lui firent envoyer Hébert et Chaumette à l’échafaud. « L’intention de la Convention, disait-il, n'avait jamais été « de proscrire le culte catholique; elle voulait maintenir la