Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870
SOUS LA RESTAURATION 129
Roi avait nommé grand-aumônier de la cour et qui était le chef de la « petite Église »'. A l'opposé était le parti libéral, formé des anciens républicains qui sous l’Empire avaient tenu ferme aux principes de la Révolution (parmi eux : Daunou, Grégoire) et de la plupart des bonapartistes ou plus exactement des anciens soldats ou conseillers de Bonaparte, comme le général Foy et Portalis.
Entre ces deux partis se trouvait un petit groupe de royalistes et de catholiques modérés qui, instruits par l'expérience, comprenaient l'impossibilité d’un retour au passé et essayaient de faire bénéficier le nouveau régime des réformes légitimes de la Révolution. Tels étaient Camille Jordan et Royer-Collard, Pasquier, de Serre et d’autres.
Mais pour bien comprendre la prépondérance que prit dès l’abord le parti des « ultras » il faut remonter un peu plus haut, aux origines du mouvement de la Renaissance catholique, qui date des dernières années du xvur° siècle. Les excès de la Révolution française, les massacres de 1793 et les mascarades de l’athéisme, avaient en effet produit, non seulement dans les rangs de la noblesse et du clergé émigrés, mais encore dans une grande partie de la bourgeoisie et du peuple, un réveil du sentiment religieux et monarchique. Les évêques, qui avaient perdu leur temporel, avaient renoncé à leurs traditions gallicanes. Les nobles, éprouvés par l'exil, avaient abjuré les maximes de Voltaire et de J.-J. Rousseau. Une foule d’esprits se tournait de nouveau vers le Pape, comme vers le centre de la foi, le fondement de toute autorité sociale et politique. Les organes de cette renaissance du catholicisme furent alors le comte Joseph de Maistre, le vicomte de Bonald et le vicomte de Chateaubriand.
Joseph de Maistre, qui avait signalé dans la suppression du salaire des cultes un des « traits diaboliques » de la Révolution, a donné la théorie la plus logique d’une société catholique avec
1. On appelait ainsi le groupe des archevêques et évêques, titulaires avant la Révolution, qui avaient refusé de se démettre lors de la conclusion du Concordat de 18or. Voir p. 126, note 4.