Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

SOUS LA RESTAURATION 133

commission où siégeaient Pasquier et Royer-Collard, qui le remanièrent dans un sens gallican et libéral. De la sorte, personne ne fut content : ni la Chambre qui trouvait que le Roi avait sacrifié ses prérogatives et les droits du pouvoir civil, ni le Pape qui s’indignait de ces modifications et voulait qu’on installât sans délai les évêques préconisés. Et ce concordat fut abandonné.

$ 3. — Dansles dernières années du règne de Louis XVIII entra en scène l’homme qui allait porter les revendications de l'Église romaine plus loin que Chateaubriand et de Bonald et qui incarna dans ses écrits la politique ultramontaine et le principe de l'intolérance catholique romaine : F. R. de Lamennais.

Nous n’avons pas ici à raconter sa vie’. Il suflira de dire que, né, comme Chateaubriand dans la catholique et royaliste Bretagne, il était doué d’un profond sentiment mystique et d'un grand talent dialectique ; il avait le goût des questions théologiques, mais ne se sentait pas fait pour le sacerdoce. Il s'était nourri de la lecture de la Bible, de Montaigne, de Pascal et de Rousseau et c’est de ce dernier qu'il tenait sa prédilection pour les applications sociales du christianisme.

Dans ses premiers ouvrages”, publiés avant son entrée dans les ordres (1816), Lamennais se montrait encore assez tolérant ; il respectait le concordat de 18or et réclamait seulement pour l’Église un peu plus d'indépendance ; mais à partir de 1815, il se mit à tonner contre le jansénisme, « le gallicanisme et l’Université, cette conception exécrable de Bonaparte * ».

C'est dans son Æssai sur l'indifférence en matière de religion* que Lamennais combattit directement le principe

1. Nous renvoyons nos lecteurs, entre autres, au livre, si fortement pensé, de M. Spuller (Paris, 1892).

>. Les réflexions sur l'Etat et l'Eglise (1808) et la Tradition de l'institution des évêques (1814).

3. V. Influence des Doctrines philosophiques (1816).

4. 5 volumes. Le 1° volume parut en 1817; le dernier en 1893.