Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870
190 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE
bienveillante envers les associations religieuses et les congrégations qui renaissaient de toutes parts, et laissé tomber en désuétude les lois ou décrets qui en interdisaient plusieurs ; mais, une fois la lutte engagée par le parti catholique contre l’Université, elle s’inquiéta du progrès des ordres enseignants.
Aïnsi lorsque Lacordaire fonda un deuxième couvent des Dominicains à Nancy (1843), puis un troisième à Chalais (Dauphiné) et un quatrième à Paris (1844-45), le ministre des cultes protesta, mais laissa faire. D'ailleurs, par réciprocité, l’éloquent prêcheur s'était montré modéré et avait essayé de calmer ses amis dans leurs attaques contre les collèges de l'État. La campagne devait avoir un contrecoup plus grave pour les Jésuites ; en effet, comme l’a dit Guizot, ils étaient aux yeux du public les représentants de la liberté d'enseignement et ce furent eux qui payèrent les frais de la guerre à outrance, déclarée par le comte de Montalembert à l’université. N’était-ce pas justice, puisque c'étaient eux qui avaient lancé la première fusée, le Monopole dévoilé? N'étaitce pas à eux ou à leurs docteurs que les évêques confiaient l’enseignement de la morale et de la philosophie dans les grands séminaires ?
Michelet et Quinet, dans des leçons célèbres au collège de France (mai-juin 1843), Lacretelle dans son cours à la Sorbonne, Libri dans la Revue des Deux-Mondes et CuvillierFleury dans le Journal des Débais, avaient signalé la société de Jésus comme ayant été toujours l'adversaire déclarée de toutes les libertés, avant tout, de la liberté de conscience, et comme tendant à s'emparer de l'éducation des garçons, comme elle avait déjà fait la direction des femmes, pour les façonner à leur image. Dupin, à la cour de cassaion’, et Isambert à la chambre des députés avaient flétri leur esprit d’intrigue politique. En 1844, parurent deux ouvrages qui donnèrent corps à ces accusations. Fr. Génin,
1. Voir son Zloge d'Etienne Pasquier (nov. 1843).