Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870
SOUS L'EMPIRE AUTORITAIRE (1852-1860) 219
« du pouvoir nouveau, avec tous les excès de la flatterie! ».
La plupart des religieux aussi s’inclinèrent devant le fait accompli : le P. de Ravignan et le P. Lacordaire furent entre les rares moines qui ne courbèrent pas le front devant le parjure triomphant. L’orateur Dominicain, non seulement flétrit le coup d’état dans ses lettres particulières ?; mais l’année suivante, dans un sermon prononcé le 10 février 1853 à SaintRoch, il fit entendre cette protestation courageuse : « Non, il « ne faut pas faire le mal pour que le bien en sorte, quelque « grand que soit le résultat, même s'il s’agit de ce qu’on « appelle sauver un pays! Dieu permet qu'il y ait des « empereurs et des bourreaux pour qu'il y ait des saints « et des martyrs! Celui qui emploie des moyens misérables « même pour faire le bien, celui-là demeure à jamais un
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< misérable ! » De son côté, le comte de Montalembert, qui par peur des insurrections républicaines en province s'était d’abord rallié au nouveau régime, ne tarda pas à rétracter son adhésion (23 janvier 1852) et à prendre au corps législatif une altitude indépendante, et même d'opposition *.
De là, au sein du parti catholique, deux groupes qu'il importe de distinguer au point de vue de l’histoire qui nous occupe. D’un côté, les catholiques et légitimistes ralliés à l'empire, ayant à leur tête Louis Veuillot et comprenant presque tous les évêques, eurent pour organe l'Univers et la Voix de la Vérité. Ge parti poussait le principe ultramontain à l'extrême et eût consenti à la suppression de toutes les libertés, y compris celle des cultes non catholiques, pourvu qu'on leur sacrifiät les Articles organiques et le monopole de l’enseignement public‘.
1. V. Abbé F. Klein : Vie de Me" Dupont des Loges. Paris, 1899 (p. 151-152). Un évêque devait bientôt éprouver combien est lourde la chaine dorée du Concordat, Mgr Bailliez, évêque de Luçon, fut destitué en 1856.
2. V. lettres de Lacordaire à Mme de Swetchine, fin décembre 1851 et 31 mars 1892.
3. V. V. de Meaux; Montalembert, p. 210-213. 4. NV. L. Veunror. Mélanges religieux, historiques, ete Paris, 1856-57, rer vol.,p. 529.