Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

CONCLUSION 299

multiplicité des rapports commerciaux et politiques entre les peuples, il se produit peu à peu un rapprochement des confessions, puis des religions, de même qu'il s’est opéré déjà une pénétration réciproque des langues et un syncrétisme des intérêts matériels. Un jour viendra où ces symboles divers, semblables aux couleurs du prisme, se fondront dans un même symbole, éblouissant de clarté comme la lumière du soleil. N'est-ce pas l'époque lointaine entrevue par Jésus quand il a dit: « Fée unum ovile et unus pastor » (Évangile selon S' Jean, chap. X, v. 16).

Mais cet avenir appartient à Dieu seul! Nous n'avons le droit de nous servir, pour le préparer, que de persuasion et de bon exemple; user de contrainte, de corruption vénale, voire même du moindre moyen d'intimidation ou de séduction pour hâter la conversion d’une seule âme serait brusquer la Providence, usurper les droits du seul Maître des consciences !

Nous devons non seulement maintenir, mais encore appliquer plus largement dans nos lois le principe de la liberté de conscience. Nous devons surtout faire entrer de plus en plus dans nos mœurs un esprit de tolérance, de respect pour les convictions d'autrui; car on a beau faire des lois, décréter la liberté des cultes, si elles ne sont pas soutenues par l’opinion publique, on n'a rien gagné !

D'autre part, le système du Concordat et des Articles organiques ne satisfait plus les amis de la liberté religieuse. On s’estaperçu, en effet, à l'usage que s’il protège imparfaitement les droits du pouvoir civil contre les empiètements du clergé, par contre, il entrave et paralyse trop souvent l'essor de la foi. C'est, après tout, un régime de bon plaisir, plutôt que de vraie liberté. Celle-ci serait bien mieux sauvegardée par la séparation des Églises et de l'État. Le mouvement de l'opinion républicaine dans ce sens, commencé en 1848 par Lamennais et Edgar Quinet, continué par Edm. de Pressensé, s’accentuera de plus en plus au fur et à mesure des abus commis par les évèques.