Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

JOURNAL D'UN ÉTUDIANT PENDANT LA RÉVOLUTION. 963

mière vertu d'une nation libre est la méfiance; car la méfiance et la liberté ont dû naître ensemble. »

Tous les yeux se portent sur Dumouriez, qui devient l'espoir de la Révolution. Il n'a été jusqu'alors qu'un brillant aventurier, mais si les circonstances le servent, il peut, avec son esprit si prompt, si vaste, jouer le premier rôle qu’il ambitionne depuis longtemps. Sa première démarche, après sa nomination, est pour les Jacobins, et il n'hésite pas, pour plaire à ses amis, à se coiffer de ce bonnet rouge qui est devenu l’emblème de la liberté : « On en porte dans tous les endroits publics, dans les sociétés patriotiques, dans les galeries de l’Assemblée, aux théâtres, dans les sections, partout en un mot!. »

Edmond écrit à son père :

« Paris, ce 20 mars 1792, l'an IVe de la liberté.

« Je veux te faire part d'une scène intéressante qui vient de se passer ce soir aux Jacobins. M. Dumouriez y a paru; il a péroré à la tribune un bonnet rouge sur la tête. Après avoir protesté de son dévouement à la patrie et à la cause de la liberté, il a ajouté qu'il allait incontinent entamer des négociations telles, qu'avant peu nous aurions... ou la guerre ou une paix définitive. À peine avait-il fini que Robespierre, à qui

1. On l'avait adopté parce que c'était la coiffure habituelle des paysans. Aucune idée sanguinaire n'y était attachée.